expand

Pourquoi parle-t-on encore des femmes? - Eric Albert - Les Echos

Il y a des hommes et il y a des femmes, ils ont des différences et des particularités. Ils sont indispensables les uns comme les autres. Il vaut mieux essayer de trouver une parité au sein des équipes et parmi les dirigeants. Il a été montré que cette mixité est un des leviers de l'intelligence collective. Je ne connais personne, autour de moi, qui ne soit pas globalement d'accord avec cela. Alors pourquoi cela reste-t-il un sujet ?

D'abord, les faits. Les femmes ne sont pas encore à parité aux postes de dirigeant, loin s'en faut. Ensuite, ce que je décris plus haut est loin d'être universel. Les femmes sont très souvent prises à partie. Comme cette dirigeante qui, face aux syndicats de l'entreprise où elle vient d'arriver, est interpellée sur son rouge à lèvres. Ces dérapages plus ou moins graves sont quotidiens. Ils sont les symptômes de la grande difficulté de certains hommes à avoir une relation apaisée avec les femmes. Ce qu'ils montrent n'est que le reflet de leurs problèmes personnels, ce qui ne les excuse en rien. De leur côté, les femmes ne doivent rien laisser passer et pointer ces réactions comme le symptôme de la fragilité du masculin face à la féminité. Mais on peut concevoir leur lassitude.

Reste à comprendre pourquoi si peu de femmes accèdent à des postes de responsabilités. L'une des hypothèses est que le modèle de pouvoir dans nos sociétés demeure masculin. Y accéder suppose, avant tout, de sacrifier ses autres champs de vie pour mettre tout son temps et toute son énergie dans cette ascension. Ce but unique de vie semble séduire moins les femmes que les hommes. Tant que le pouvoir sera associé au renoncement aux autres dimensions de la vie, il est probable que les femmes seront moins motivées que les hommes pour s'en saisir. Les quelques contre-exemples mis en avant montrent, certes, que c'est possible, mais ne résolvent en rien ce problème de fond. Tant qu'elles sont minoritaires, les femmes ne peuvent pas construire et diffuser une autre forme d'exercice du pouvoir.

La seule façon d'y arriver est de passer par les quotas. Car ce ne sont pas de quelques femmes au pouvoir dont nous avons besoin, mais d'une vraie parité. La solution choque car elle oblige à pourvoir un poste en faisant passer le critère du genre en premier. Ce qui, dans certaines circonstances, peut conduire à de mauvaises décisions. Peut-être. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas le faire. Car c'est en mettant les femmes au pouvoir de façon volontariste qu'elles en modifieront la pratique.

Et après ?

En place, les femmes pourront élaborer de nouvelles modalités pour permettre aux générations futures d'y accéder. Jamais autant qu'aujourd'hui, où les quotas se diffusent, elles n'ont autant eu d'opportunités pour prendre le pouvoir. Et certains grincheux trouvent que nous manquons de raisons d'être optimistes ! Le poète a toujours raison, elles sont « l'avenir de l'homme ».