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L'émotion du dirigeant - Eric Albert - Les Echos

Le théâtre politique met en scène quotidiennement les émotions des candidats. A droite, nous avons assisté à l'apparent soulagement de Nicolas Sarkozy d'avoir perdu, nous avons assisté à de légers débordements témoignant de la grande colère d'Alain Juppé après le premier tour puis à une légère esquisse de satisfaction de François Fillon devant sa victoire. A gauche à la tristesse du président de la République dont l'élocution trébuche dans la phrase qui précède celle où il annonce son renoncement. Dans l'entreprise l'émotion commence à gagner sa place. En tous cas lorsqu'il s'agit de produire un effet sur le client. Chaque marque rivalise pour créer une relation émotionnelle à travers ses produits et service; bien convaincue que la fidélité ne se crée pas que sur du rationnel. En revanche, sur le plan managérial, la place de l'émotion est moins claire. Encombré de cette part de lui-même qu'il ne contrôle pas, le manager oscille. Certains prennent la posture de l'authenticité qui consiste à tout laisser transparaître sous prétexte qu'il "faut être soi". D'autres, véritables sphinx, ne montrent rien considérant que leurs ressentis sont des parasites qui les révèlent et les affaiblissent. Ils confondent émotion et émotivité. Les premiers sont des soupes au lait dont l'entourage redoute en permanence les débordements et les seconds ont un charisme de pantoufle qui les rend tellement ennuyeux que tous les évitent. Certes, mais trouver le juste milieu ne va pas de soi. Nous ne choisissons pas nos émotions qui surgissent souvent provoquées par un événement extérieur. D'où la méfiance qu'elles suscitent, elles ne répondent pas à une rationalité choisie mais à une spontanéité subie. C'est pourquoi elles dérangent tant et que beaucoup préfèrent les enfouir. Mais moins les émotions sont conscientisées plus elles influencent notre comportement à notre insu. Si au moment de prendre une décision, je ne mesure pas ma peur de me tromper, je prendrais (sans vraiment l'avoir choisie) l'option qui calme ma peur.