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Faire cohabiter deux modèles, l’ancien et le futur

Tout s’accélère. Les voitures autonomes, qui semblaient le rêve de certains utopistes, roulent et leur usage à grande échelle est préparé partout. Quel que soit son secteur, chaque entreprise observe des bouleversements équivalents qui remettent en cause son business model.

Les événements qui peuvent conduire à rendre son activité actuelle obsolète peuvent venir de partout. Une nouvelle technologie, une évolution des usages des clients, un nouvel entrant qui s’insère dans sa chaîne de valeur, rien ni personne ne peut le prédire de façon sûre. Son propre environnement concurrentiel est de moins en moins clair. Tout cela pousse tous les acteurs économiques à chercher de nouvelles activités hors de leur champ habituel. Orange fait de la banque et bien malin qui pourrait dire de quelle organisation Google est, ou ne sera jamais, le concurrent. Cette émulation est évidemment très stimulante et capte beaucoup d’énergie. Reste que le présent de l’entreprise, c’est son activité traditionnelle. Dans cette activité qu’elle maîtrise souvent depuis des décennies, elle a des clients, une organisation qui fonctionne et, surtout, elle sait en tirer une rentabilité, qui assure sa pérennité, au moins à court terme.

Chaque entreprise doit donc faire coexister deux modèles. Le traditionnel, dans lequel elle est installée et a su créér de la valeur, et qui lui confère un avantage, une sorte de rente. Et le futur, dans lequel elle tâtonne et fonctionne en « essai- erreur ». Le premier répond à une logique dite de « changement de type 1 », façon savante de dénommer l’amélioration permanente. Il s’agit de faire un peu plus, un peu mieux, un peu plus vite de la même chose. Le second, lui, nécessite au contraire d’être dans le « changement de type 2 ». C’est-à-dire d’inventer une façon de faire radicalement différente de ce qui se faisait précédemment. ET APRèS ?

Les conséquences managériales de cette double dimension sont fondamentales. Sur l’activité traditionnelle, les dirigeants sont à l’aise. Ils se sont forgés des convictions qui résultent de leur expérience. Même si la nouvelle génération de salariés les déconcerte parfois, ils ont leurs points de repère et sont portés par la culture d’entreprise, qui codifie le management. En revanche, sur l’autre modèle, ils entrent en terre inconnue. Leur trépied classique objectif-contrôle-pression peut ne plus marcher, voire bloquer littéralement les acteurs. Comme les dirigeants adoptent un mode de management en fonction de leur personnalité, cela les oblige à une prise de recul pour élargir leur registre – à la façon d’un musicien classique lancé au milieu d’un groupe de rap. L’homme ou la femme de pouvoir doit cultiver le doute et le questionnement. Plus encore, le leader charismatique et visionnaire – homme ou femme – qui maîtrise les manettes, et est souvent craint, doit se considérer en apprentissage. Il est temps pour lui de s’appliquer ce qu’il répète à ses équipes. Si l’adaptabilité est au coeur de la compétitivité, elle commence par lui. Concrètement, s’il ne peut donner des exemples de sa façon d’agir radicalement opposée à ses habitudes et à son tempérament, cela signifie qu’il n’a qu’un seul registre. Et c’est probablement celui du passé.