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Etre une personne ressource - Eric Albert - Les Echos

Un dirigeant se questionne. Certains membres de son équipe souhaitent avoir des titres plus honorifiques. Les uns veulent devenir directeur général adjoint, un autre directeur général délégué. Evidemment, ils s'observent mutuellement. Chacun fait valoir l'importance de son poste et la nécessité d'avoir suffisamment d'autorité pour remplir sa mission. Ce qu'ils veulent ? Utiliser un cadre établi pour imposer et en imposer. Etre autorisé implicitement à ne pas avoir à se justifier. Et donc, disposer d'un titre qui confère le pouvoir.

Ce vieux modèle de fonctionnement à l'ancienne où faire partie des cercles élevés protège. Les pairs ne se challengent pas entre eux. Et la loyauté est érigée en valeur première, pour bien faire comprendre que la critique du chef n'est pas autorisée. Bien des dirigeants survivent ainsi des décennies. Entre-soi, posture d'autorité et non-dits sont les ressorts de ce fonctionnement entretenu par ceux qui en bénéficient.

Mais ce modèle n'a plus sa place dans les organisations agiles. Pas seulement parce qu'il peut maintenir des acteurs médiocres au sommet des hiérarchies mais parce que le principe même de la hiérarchie va à l'encontre de l'agilité. Cette agilité que chacun appelle de ses voeux suppose que des acteurs se saisissent de sujets et, à plusieurs, les fassent avancer. Ces équipes éphémères se forment sur le critère de la reconnaissance mutuelle d'une valeur ajoutée pour chacun d'eux par leurs pairs. Valeur ajoutée spécifique et complémentaire de celle des autres au service du projet. L'autorité est de plus en plus une autorité de compétence qui n'existe que parce qu'elle est identifiée et sollicitée par les autres. Chacun a donc la responsabilité de devenir une personne ressource. Ressource nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise, ressource reconnue comme utile, ressource précieuse aux yeux des autres.

Passer d'un positionnement qui s'appuie sur le statut à celui d'une personne ressource est l'un des chemins essentiels que vont avoir à suivre de très nombreux dirigeants dans les années à venir. Habitués aux fonctions généralistes, entourés d'experts à leur service, installés dans une routine de gouvernance rythmée par la répétition des mêmes réunions et rituels, certains peuvent avoir perdu leur capacité à être une ressource. Ils gèrent le quotidien en se laissant porter par les automatismes. Sont-ils personnellement sollicités par leurs pairs ? Les nouvelles organisations seront impitoyables avec ceux qui ne le sont pas. Au-delà de remplir leur fonction, les acteurs sont repérés par leur environnement sur une double compétence. Technique et comportementale.

Et après

Il ne suffit pas d'être compétent, il est indispensable de donner envie aux autres d'utiliser cette compétence. Les personnes ressources sont facilement identifiables : elles sont sursollicitées. Tous veulent travailler avec elles et leur proposent de contribuer. Etre une personne ressource est exigeant. Cela suppose un ajustement permanent entre les besoins de l'entreprise et les compétences que l'on offre. Cela suppose de cultiver sa complémentarité avec son entourage, et surtout cela nécessite de refaire ses preuves à chaque mission, donc de ne jamais arrêter de se développer.