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Etre ensemble - Eric Albert - Les Echos

Jean Luc Mélenchon a lancé le meeting politique en instantané dans plusieurs endroits. L'hologramme lui donne l'illusion de réaliser ce fantasme répandu de l'ubiquité. En réalité, les militants qui n'ont eu que l'hologramme n'ont pas eu d'interaction. Ils n'avaient que l'image du chef, certes en trois dimensions - présent sans être là.

Cette question des interactions et de celles qui nécessitent la présence devient de plus en plus aiguë dans la vie professionnelle. D'un côté, les acteurs se plaignent de la communication par e-mail qui dénature les relations et engendre souvent un jeu de ping-pong beaucoup plus chronophage qu'un échange direct. De l'autre, ils déplorent la « réunionite » qui les conduit à enchaîner les meetings où ils accumulent les émotions négatives allant de l'ennui à l'agacement, en passant par l'impatience.

En somme, on n'est pas suffisamment ensemble lorsque c'est nécessaire, et on l'est trop inutilement. Il est clair que les évolutions technologiques, liées au travail à distance, vont accentuer cette question. Il sera facile d'échanger sans présence réelle, mais avec l'illusion que c'est équivalent. Il devient donc indispensable de clarifier en quoi les moments de l'« être ensemble » apportent de la valeur, et ce qu'il est pertinent d'y faire.

Commençons par ce qui est inutile : s'informer en collectif. Bien souvent, ce temps est largement capté par une mise à niveau informationnelle des participants par simple manque de travail individuel préliminaire.

Ensuite, les temps d'élaboration et de débat sont trop courts et peinent à aboutir. Autre pratique à bannir : celle qui consiste à inviter tous les acteurs impliqués de près ou de loin sur un dossier, car soit certains n'ouvrent pas la bouche, soit tout le monde parle. Résultat : l'échange se disperse alors et s'enlise.

Les échanges directs doivent constituer autant d'occasions d'élaboration collective, de gestion des désaccords et de travail de la qualité relationnelle.

Et après ?

Etre ensemble est un bien précieux et doit donc être traité comme tel. Cela suppose d'en prendre conscience et de se le rappeler mutuellement. C'est avant tout une exigence pour celui qui anime. Il est responsable du maintien du niveau d'attention. Cela suppose qu'il exprime ce qu'il attend de chacun. Le décrochage est devenu la règle, souvent même de celui qui anime. En consultant son mobile, il montre que ce temps n'est pas si important puisqu'il peut se permettre de faire autre chose. De leur côté, les participants doivent être clairs sur ce qu'on attend d'eux à chaque moment et si ce n'est pas le cas, le demander. A chaque baisse d'attention, ils devraient s'interroger sur la cause. Est-ce que cela vient d'eux-mêmes ou du tour pris par la réunion ? Lorsqu'ils ont la réponse, ils pourraient la partager, signalant, par exemple, qu'ils ne comprennent pas l'utilité de la séquence en cours. La qualité du fonctionnement collectif est la clef de la performance. Cela mérite qu'on y accorde soin et attention.