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Avoir une vision - Eric Albert - Les Echos

On se fout des programmes, ce qui importe c'est la vision ! La conviction d'Emmanuel Macron est mise à mal par les médias qui le poussent à égrener les centaines de mesures d'un « vrai programme » comme ceux de ses compétiteurs. Ce dernier tente de mettre en avant sa vision plutôt que se perdre dans le détail.

 Elle part de sa compréhension du monde et donne des lignes directrices à l'action politique qu'il compte mener. L'intérêt produit semble modeste. Comme si la micromesure était plus intéressante que l'inspiration globale. Et pourtant, s'il est une critique de fond à faire au président sortant, c'est bien son manque de vision et son incapacité à tenir un cap.

Pour le dirigeant, la dialectique entre la vision et le goût pour l'opérationnel est permanente. Bien souvent, la seconde dimension prend le dessus. Le dirigeant s'y plonge avec délectation. Ce qui ne l'empêche pas de construire a posteriori un raisonnement autojustificatif pour expliquer que sa « stratégie » s'inscrit dans une vision - improvisée selon ses besoins.

De fait, construire une vision est beaucoup plus difficile que de lancer des actions au quotidien. Le flux ininterrompu des sujets permet au dirigeant de s'immerger dans leur règlement plutôt que de penser une ligne directrice. Les mesures correctrices se succèdent les unes aux autres sans trouver de cohérence générale. C'est évidemment toute la question du sens qui se pose pour les collaborateurs. Pas étonnant que, dans une étude récente de Gallup, seulement 22 % des employés aux Etats-Unis considèrent que les leaders donnent des directions claires. Plein de bonnes intentions, et chacun pousse son action de correction ou d'amélioration. Elles s'empilent les unes sur les autres ou plutôt sur les épaules des acteurs de terrain. Agacés, exaspérés, ils ont une impression de cacophonie, de débordement et perdent leurs repères.

Agir est le tranquillisant du dirigeant, son anxiolytique préféré. Plus il a de sujets qui lui remontent, plus il prend de décisions, plus il arrive à réguler son impatience et son anxiété. Il se conforte dans son utilité et se convainc qu'il fait avancer les choses. Se construire une vision propre demande un autre niveau d'exigence. Cela suppose de faire l'effort de comprendre le monde de plus en plus complexe. Puis de construire des lignes directrices qui s'appuient à la fois sur les spécificités de l'entreprise et sur ses convictions. La vision doit être présente comme un cap qui aide à établir des priorités parmi la multitude des bonnes intentions que les uns et les autres proposent de mettre en oeuvre.

Et après ?

Le dirigeant est le garant de cette cohérence. S'il est au sommet, c'est pour réfléchir, impulser, coordonner en étant obsédé par le sens pour les équipes. Il ne peut pas être simplement opportuniste, ni construire une vision sans lien avec les plans d'action. Comme ce patron d'un grand groupe qui, récemment, décrivait sa compréhension du monde et les conséquences pour les grandes marques, et annonçait en même temps comme principale mesure… un plan de réduction des coûts.